mercredi 20 mai 2015

Ole Miss, le coeur du blues


Cher Philippe,

Il y a des rencontres que l'on voudrait partager. Celle-ci, je l'aurais volontiers partagée avec toi. Ole Miss n'est pas une vieille chanteuse de blues édentée ou une Scarlett qui n'aurait pas trouvé son Rhett. Non, c'est le petit nom que l'on donne à l'Université du Mississippi, à Oxford
Ce n'est pas par hasard que j'ai été m'y promener. En fait, je ne me promenais même pas, j'ai pu dire au gardien dans quel bâtiment je me rendais et lui demander où parquer ma voiture.  Il m'a délestée de $2, mais j'aurais pu avoir des tas d'armes dans mon coffre qu'il n'y aurait vu que dalle. Tu parles de la sécurité sur les campus ! 
Je n'avais pas d'arme, mais les mains moites tout de même en franchissant la porte de la bibliothèque principale : j'allais consulter les archives du blues ! Pas n'importe quelles archives, non, celles qu'il faut quand on veut faire un travail de recherche sur le sujet, ce que je ne fais pas. Celles qui ont été utilisées pour la collection de DVDs que nous connaissons.
Plusieurs fois, j'ai failli faire demi-tour, même si j'avais un peu préparé ma visite. J'étais allée voir sur Internet de quoi il en retournait. Va jeter un œil, c'est impressionnant.
J'avais vu que BB King avait légué ses archives personnelles jusqu'en 1983. Ça m'a paru être une bonne entrée en matière, si jamais. La collection Alan Lomax me paraissait plus intéressante, mais je me demandais si ça ne faisait pas un peu prétentieux. J'ai encore été un peu déroutée quand une dame m'a demandé ce que je voulais. Je dois avoir raconté vaguement ce qui précède et un type est sorti d'un bureau, tout sourire, le curateur de la collection Blues, Greg Johnson, himself.
Il m'a montré des photos qu'il triait justement pour des expos sur BB King puisqu'il vient de rejoindre d'autres King disparus avant lui. Il a aussi brandi des listes de disques, principalement du jazz, que BB avait déposées à Ole Miss. Je me suis détendue, je n'étais pas face à un érudit inabordable, mais avec quelqu'un qui était passionné par le blues et dont la mission était d'en préserver les documents historiques et de le faire rayonner pour assurer sa survie. il m'a parlé de musiciens mongoles qui faisaient du blues sur leurs instruments "ethniques", nous avons parlé des morceaux que nous aimions, ceux de BB, et les autres. Je lui ai même avoué que je préférais Albert à BB... il fallait que je me sente en confiance. Nous avons écouté certaines archives incroyables, des prisonniers dans les années 20 qui chantaient lors de leurs promenades, des litanies entre blues et gospel... Tout à coup il disparaissait, puis revenait : " J'ai pensé que ça pourrait t'intéresser..." Le certificat de décès de Robert Johnson, un vieux 78 tours, une affiche, des paroles manuscrites de Tampa Red, une matrice en acier pour faire un disque de Willie Dixon...



Et puis des conseils, aller à Clarksdale en fin de semaine, à Indianola au musée BB King avant ses funérailles, puis y retourner le jour J juste pour la foule (mais nous n'avons pas trouvé la date)... Et des endroits à visiter à Memphis. Vérifier si Al Green sera dans son église dimanche. Sinon aller à Como écouter un autre pasteur bluesman.
Je n'avais plus les mains moites au bout des deux heures qu'il m'a consacrées. En plus, je crois bien que c'est le genre de job que j'aurais aimé. Que j'aimerais dans une prochaine vie... Je suis contente d'avoir fait cette rencontre et d'avoir pu la partager. Je pense que Greg t'aurait plu.

Avec toute mon amitié.

D.

 Un peu de Tampa Red puisqu'il en est question ici

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