lundi 25 mai 2015

Dans le Mississippi sans zip


Chère Danielle,

L’État du Mississippi est déjà de l'histoire ancienne. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé d'en accumuler images et impressions, du sud au nord, d'est en ouest. Que de kilomètres parcourus ! Si l'on m'avait menacé de conduire pareillement, je crois que je me serais découragée avant de commencer. Ce qui m'épate est que c'est un état pauvre avec un réseau routier plus que convenable. Va comprendre...
Même si j'en ai varié les plaisirs, ce qui ressort avant tout, c'est la musique, le blues. Ici, pas besoin d'expliquer qui est Al Green, par exemple. On te dit, "ouais un service religieux avec Al Green, il faudra que tu me racontes."  C'est l'histoire des gens de cette région. J'y ai fait de belles rencontres.
Étrangement, je m'y suis sentie comme à la maison. Je m'attendais à des étendues de cultures, j'y ai aussi vu des forêts et des cours d'eau. Comme chez moi. L'identité de ses habitants n'est pas très claire, entre La Nouvelle Orléans au sud et le tandem musical Memphis/Nashville au nord. Ici les gloires locales se sont souvent expatriées pour connaître gloire et fortune... ou simplement survie.
Ma dernière image du Mississippi m'a encore une fois été fournie par un caissière de gas station. Je m'imaginais que tout le monde réglait par carte de crédit. Or, c'est plutôt des cartes de débit que les locaux utilisent, peut-être une des nombreuses conséquences de la crise des subprimes. Pour prendre de l'essence, c'est pourtant une carte de crédit que j'utilise. L'ennui est que ça marche rarement. La faute au zip. Pas celui de mon pantalon, non, celui de mon domicile, le code postal. Elean, qui a plus d'un tour dans son sac, m'avait conseillé d'insérer n'importe quoi : mauvaise stratégie ! Alors il faut aller à l'intérieur, faire la queue et expliquer. Selon la personne ou l'entreprise, on me propose : de laisser mon permis en dépôt, de fixer à l'avance le montant qui sera pris sur la carte ou de me faire confiance, "vas-y fait ton plein, j'enclenche la pompe".
C'est ce qui arrive cette fois, la dame me renvoie à la pompe, que j'actionne. Rien. Encore. Rien. Je peste. Je refais la queue. La dame vérifie et me dit de patienter qu'elle va se faire remplacer et venir m'aider. J'attends devant la pompe patiemment, et je constate qu'il n'y a pas un mais deux pistolets. Et que celui que j'avais tenté d'utiliser est pour le diesel. L'autre, celui qui fournit de l'essence,  marche à merveille. Je fais donc la queue une 3e fois pour dire à la dame de ne pas se déranger, que je suis  vraiment trop bête. Elle me regarde intensément : "Ah, non, je n'appellerais pas ça de la stupidité. Non, c'est une erreur honnête. Rappelle-toi, an honest mistake!" J'ai aimé cette dame du Mississippi.
C'est à Natchez que j'ai découvert les tamales!
J'ai aimé les Mississippi, malgré tout, malgré sa gestion déplorable des droits civiques. Mais je ne suis pas américaine, et encore moins afro-américaine, J'ai observé, questionné, partagé mes étonnements... je n'ai pas compris pourquoi cet État était tout en haut sur la liste des injustices. En souvenir d'un rêve de 1963...

Martin Luther King : "I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream. I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed : 'We hold these truths to be self evident, that all men are created equal.' I have a dream that one day on the red hills of Georgia, the sons of former slaves and the sons of former slave-owners will be able to sit down together at the table of brotherhood. I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice. I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of the skin but by the content of their character. I have a dream today."

(Je fais encore un rêve. C’est un rêve profondément enraciné dans le rêve américain. Je rêve qu'un jour ce pays se dressera et se décidera à appliquer véritablement ses principes selon lesquels tous les hommes ont été créés égaux. Je fais le rêve que, un jour, sur les collines rouges de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves seront capables de s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je fais le rêve qu’un jour viendra où l’état du Mississippi, un état ravagé par la flamme de l’injustice et de l’oppression, se transformera en une oasis de liberté et de justice. Je fais le rêve que mes quatre enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés selon la couleur de leur peau, mais selon leur personnalité. Je fais ce rêve aujourd’hui.)


Avec toute mon amitié.
D.

Au 19e siècle, la culture du coton représentait la plus grosse production du Mississippi.
Maintenant, c'est le poisson-chat qui est consommépartout dans le pays.

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