lundi 15 juin 2015

Chicago Blues Festival


Cher Zach,

Tu n'existes pas, pas vraiment, tu es un mélange de tellement de musiciens, de leurs styles, de leurs folies, de leurs vies, de leurs excès, de leurs rêves et de leurs parcours, Luther Allison, Eric Clapton, Ben Harper, Keith Richards, Albert King, Pascal Auberson... La liste est longue, et je pourrais y ajouter des anonymes, des moins connus, des gens dont j'ai oublié le nom. Mais tous des passionnés de leur musique, souvent du blues, mais aussi parfois des jazzmen ou des gens inclassables. Il fallait que tu sois habité, passionné, invivable... C'est ainsi que je te voulais, sans concession.
Tu n'existes pas et pourtant, maintenant que je suis à Chicago, on m'a demandé si je t'avais rencontré, puisque je t'avais créé, placé dans ce décor, dans ce blues électrique, celui que je préfère malgré tout, et que je t'avais fait jouer au Chicago Blues Festival.
John Primer
Alors oui, je t'ai vu. Aperçu plutôt. Je t'ai entrevu, plus grand ou plus petit. Plus trapu, mais tout de même pas aussi enveloppé. Moins foncé, mais pas blanc non plus. Latino ? Non... Pas si âgé, mais sorti de l'adolescence quand même... Parce que chez les bluesmen j'ai vu de tout, des gamins caucasiens (terme basé sur une ancienne théorie raciale du XIXe siècle qui prétend que toutes les personnes blanches auraient une origine commune située dans le Caucase), des anciens à  peau ravinée, tous habités par leur musique.
The Blues Doctors
Surtout, Zach, je t'ai entendu. Quand je fermais les yeux, je savais que c'était toi. De longues notes qui ne s'arrêtaient pas et qui me donnaient l'impression de flotter, qui m'apportaient tellement de bonheur que j'avais une foi infinie dans l'humanité. Rien que ça ! Pas de guitar hero par ici, pas de record de notes jouées à la seconde. Non, que des frissons. Partout. Et ce pied qui se sentait obligé de battre la mesure, les doigts qui claquaient, la tête qui balançait. C'est ça, le blues.
 Je me suis assise, j'ai aimé... Qui sont-ils?
C'est certainement dans les jam sessions que tu as été le plus présent, parce qu'il n'y avait pas de star, pas de tête d'affiche, que des gens qui partagent la même passion et qui se refilaient la main ou le micro. Vous étiez nombreux à faire la queue à côté de la scène pour avoir le plaisir de monter sur les planches. On applaudissait à l'annonce de vos noms, mais ils ne figuraient nulle part dans le programme, ils sont déjà oubliés... mais pas vos notes.
 Une jam session qui s'est envolée
J'ai fait de belles découvertes, Clarence Carter, par exemple qui est plus soul que blues. Syl Johnson qui a été paraît-il le premier à interpréter Take me to the River, avant Al Green, dis donc ! Toronzo Cannon, un gars de Chicago.
 Syl Johnson
J'ai aussi vu Johnny Rawls (sur la scène Jackson Mississippi), entendu en novembre 2014 à  Lucerne. Le monde est petit, celui du blues minuscule. J'ai enfin découvert sur scène Shemekia Copeland qui m'avait inspirée pour un personnage secondaire.
 Shemekia Copeland
Je n'avais pas prévu que le temps pouvait être autrement que bloqué sur grand beau et chaud. Il l'a été sur pluie et frisquet, puis chaud mais orageux, ce qui m'a empêché d'écouter Buddy Guy. Tant pis !
 John Primer
J'ai fait une découverte intrigante. Sur la scène principale (Petrillo Music Shell), il y avait 2 types qui "traduisaient" les morceaux en langue des signes. Traduisaient ou interprétaient ? Ils se relayaient, 2 chansons à l'un, 2 chansons à l'autre, chacun avec son style propre. J'étais fascinée. Je me suis dit que c'était une bonne idée, on peut être malentendant et recevoir les vibrations, l'ambiance et les images du blues. Alors si les textes sont traduits, quelle expérience cela doit être.
Un "traducteur" investi dans son rôle, sur un morceau de Toronzo Cannon
Merci Zach-qui-n'existe pas de m'avoir ouverte à ce monde. Sincèrement.
D.

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